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Les attentats depuis l'autre bout du monde

Un mois après, j'ai décidé d'écrire pour vous faire part de mon expérience.


Vivre les attaques terroristes parisiennes depuis l’autre bout du monde, c’est dur.


Je me suis réveillée en ce 14 novembre et, comme d’habitude, j’ai regardé mon téléphone. Sauf que cette fois, j’avais une avalanche de notifications. Beaucoup de messages de la famille (“On vérifie que vos cousins vont bien”), beaucoup d’amis français (“C’est la guerre à Paris. Mon Dieu, le nombre de morts augmente de minute en minute”), beaucoup d’amis australiens (“Hope your family is safe Xx”)… et cette notification Facebook “60 de vos amis se trouvent dans la zone de danger. 20 ont indiqué qu’ils se trouvaient en sécurité”. C’était terrifiant. J’ai eu l’impression de me prendre un mur en pleine tête.


Imaginez-vous : quand vous dormiez tranquillement, quelque chose de terrible s’est passé chez vous. Mais vous ne savez pas quoi, vous savez juste que c’est grave, très grave. Et vous n’êtes pas chez vous, vous êtes loin, très loin.


Pour la première fois de ma vie, du moins du plus loin qu’il m’en souvienne, j’ai fait une crise de panique. J’ai bondi de mon lit, explosé en sanglots, et, ne pouvant plus respirer, j’ai couru jusqu’à la common room dans l’espoir de trouver quelqu’un pour me rassurer, ou un visage familier, au moins. Je suis entrée en trombe, j’ai essayé de sortir une phrase dans un anglais approximatif brouillé par des lourds sanglots, et j’ai regardé mes deux amis qui se trouvaient là. En essayant de garder leur sang-froid, ils m’ont demandé d’un air inquiet s’il était arrivé quelque chose à l’un de mes proches. Ils étaient donc au courant. Je leur ai demandé de me dire ce qu’il s’était passé car je ne pouvais plus être dans l’incertitude.


Puis j’ai allumé la télé et je me suis branchée sur les news australiennes. Flash info, émission spéciale, attentats à Paris. Les journaux titraient “Horror in Paris”. Rien pour me rassurer. Puis j’ai ouvert Facebook pour comprendre qui était concerné, qui était en sécurité.


Voilà, c’est comme ça que j’ai appris la nouvelle. J’étais trop petite pour me souvenir du 11 septembre, mais je suis certaine que le 13 novembre restera gravé dans ma mémoire. J’ai toujours entendu mes parents dire “Je me souviens très bien, le 11 septembre j’étais à attendre à la sortie de l’école quand c’est arrivé… Les parents en parlaient entre eux, mais personne ne savait vraiment de quoi il parlait. En rentrant à la maison, j’ai directement allumé les infos.” Maintenant, moi aussi j’ai mon histoire à raconter à mes enfants. Mais j’aurais aimé ne pas avoir à la raconter.


Toute la journée, je suis restée scotchée à l’écran de télévision, alternant avec mon écran d’ordinateur sur lequel je regardais en même temps les informations françaises et les réseaux sociaux. Petit à petit, j’ai compris ce qu’il s’était passé. Enfin… j’ai “compris”. Parce que non, on ne peut pas comprendre. Et dans 10 ans je n’aurai toujours pas compris. J’ai juste imaginé, et c’était bien pire.


Lors de la tragédie Charlie Hebdo, j’avais été profondément touchée, particulièrement parce que nous étudions l’info-comm et qu’au moment précis où les évènements se sont déroulés, j’étais en train de rédiger un dossier sur le pouvoir journalistique. Nous avons tous été choqués, confus et profondément tristes. Certes, je ne pouvais rien faire pour effacer ce qu’il s’était passé. Mais au moins j’étais là, avec les miens, avec mes compatriotes, avec mes amis, avec ma famille. J’étais là, je pouvais concrètement montrer mon soutien. J’étais là, je suivais les évènements au même rythme que tout le monde.


Cette fois-ci, je me suis sentie considérablement impuissante. Et lâche, même. Je n’étais pas à ma place, je n’étais pas avec mon pays. Croyez-moi, c’est encore pire de vivre ce genre d’évènements depuis si loin. Il y a encore plus de sentiments d’impuissance, d’incompréhension, encore plus d’inquiétudes. Et de la solitude, aussi, à être loin de son peuple blessé.


J’en ai profité pour analyser comment l’information était traitée depuis l’autre bout du monde. J’ai constaté que les médias australiens avaient tendance à exagérer, gonfler les chiffres. Entre les imprécisions et les inexactitudes, voire même les erreurs, ils avaient quand même les grandes lignes. Ce qui est sûr, c’est qu’ils avaient compris l’importance de l’évènement et avaient bousculé leur grille de programmes en conséquence pour mettre l’information au coeur de leurs éditions, et ce pendant plusieurs jours.


Vivre dans une résidence internationale a également donné une autre dimension à l’évènement. Les réactions de mes amis ont été partagées : j’ai reçu des messages d’américains, d’allemands, d’australiens… qui prenaient des nouvelles et m’exprimaient tout leur chagrin et compassion. Certains ont compris l’enjeu de l’évènement, d’autres ne comprennent toujours pas pourquoi j’ai été si dévastée alors que je ne connaissais aucune victime personnellement. Les sud-africains me disaient “Tu sais combien il y a de crimes par jour en Afrique du Sud…? On ne pleure pas à chaque fois. Passe au-dessus de tout ça.” Etrange. Et pourtant, je ne me suis jamais sentie aussi fière d’être française.


Samedi soir, avec mon amie française, nous avons décidé que l’on avait assez pleuré pour la journée. On a ouvert une bouteille de vin rouge, et pendant 2 heures on a dansé au son des plus belles chansons françaises : Brel, Barbara, Piaf, Aznavour, Trenet… C’est avec un grand bonheur et une grande fierté que nous avons montré à nos amis de tout autour du monde ce qu’était la culture française. Nous avons célébré la France, ce soir-là.

Dans les jours qui suivirent, ça a fait du bien à mon petit coeur triste et esseulé de voir tous mes amis d’ici et d’ailleurs changer leur photo de profil avec le drapeau de mon tendre pays. J’ai beaucoup apprécié leur soutien. Car oui, cela m’a fait me sentir soutenue, étrangement (car on parle juste d’une photo sur un réseau social…). L’équipe internationale a également envoyé un email pour nous faire part de leurs condoléances et rappeler qu’ils étaient à notre disponibilité. La responsable de ma résidence a pris de mes nouvelles et m’a proposé de rencontrer un psychologue. De petites attentions, mais qui ont de l’importance dans ces moments-là.

J’ai cherché à trouver un rassemblement organisé à Townsville suite aux évènements. J’avais besoin de représenter mon pays, de faire quelque chose. Townsville est une petite ville, comparé à Sydney ou Melbourne, mais j’ai trouvé sur Facebook des australiens qui souhaitaient se rassembler. Une amie anglaise et moi-même nous y sommes rendues. Nous avons fait une minute de silence, déposé des fleurs, des drapeaux et des rubans, chanté l’hymne, puis simplement discuté les uns avec les autres. Ça a fait du bien de voir des gens qui n’ont aucun rapport avec la France se rassembler pour célébrer la paix et la liberté, et nous soutenir.

Quelques jours plus tard, l’équipe internationale a organisé un évènement “An hour of peace”, où tous les étudiants étrangers et australiens étaient invités à se retrouver autour d’un café et d’un concert pour écrire sur une banderole de la paix et simplement profiter de la beauté de la vie et des humains.


Pour conclure : c’était dur à gérer, surtout en période d’examens, mais heureusement maintenant je me sens plus apaisée. Petit à petit, j’essaie de me détacher des news françaises, de me débrancher de toute cette agitation. Je reprends le rythme de vie australien (ne me demandez pas pourquoi, mais j’avais complètement décalé mes horaires de vie, inconsciemment, si bien que je dormais quasiment en même temps que les français. Etrange comme le corps traduit ce que veut l’esprit, non ? J’avais visiblement besoin de me sentir proche de mon pays !).


Ici, les gens me demandent si j’ai peur de rentrer dans mon pays. Peur ? Bah non, quelle question ! C’est chez moi, non ? Qui aurait peur de rentrer chez lui…? Je crois qu’en fait, je ne réalise pas que j’ai quitté un pays en paix et que dans un mois je retrouverai un pays "en guerre". Cela semble irréel. Enfin, on verra bien si tout ça prendra plus de sens après mon retour à la réalité !



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